10 janv. 2010

Le sauvage - ALMOND DAVID, MCKEAN DAVE - Gallimard jeunesse





Le sauvage ( The Savage)
Auteur : David Almond
Illustrateur : Dave Mckean
Traducteur : Cécile Dutheil de la Rochère
Gallimard jeunesse - Album junior - 01/10
80 pages - à partir de 12 ans - 13 euros

Les éditions Gallimard jeunesse ont l’art de mettre en avant des auteurs d’exception comme David Almond. Pour montrer toutes les facettes de cet auteur au style unique, que l’on a peu l’habitude de trouver en littérature jeunesse, elles publient un objet littéraire non identifié.

En voilà un livre atypique. A la fois album et roman, mais sans toute fois être un total roman graphique. En effet alternent passages totalement écrits, et passages illustrés, le tout dans une fluidité maîtrisée. Il s’agit du récit d’un jeune garçon prénommé Blue qui vient de perdre son papa. La psychologue scolaire va lui conseiller d’écrire ce qu’il ressent, « qu’il explore son chagrin ». Mais au lieu de parler de lui, ce qui lui fait encore trop mal, Blue va raconter et dessiner l’histoire du Sauvage. « C’était un enfant sauvage qui vivait dans les bois de Burgess. », lit-on en écriture manuscrite. Et ce sont les passages de l’histoire du Sauvage qui sont illustrés, la grammaire et l’orthographe sont approximatives mais le récit est puissant. Il s’agit d’un garçon du même âge que son jeune auteur qui vit dans le bois situé à la lisière de la ville. Sa vie consiste à se nourrir de petits animaux, une sorte de jeune ogre qui mange quiconque pose un regard sur lui, « il était sauvage. Il était vraiment cruel. » Pour ce qui est des passages écrits c’est un Blue plus grand qui nous parle de ce moment difficile dans sa vie, et comment l’histoire de Sauvage l’a aidé à faire son deuil en allant jusqu’à s’incarner véritablement dans la vie du jeune garçon. En effet la réalité dépasse la fiction un jour que Blue voit son ennemi juré, Hopper, arriver à l'école avec le visage amoché le lendemain d'une nuit où Blue avait déchaîné le Sauvage contre lui . Il y a même une scène magnifique où Blue rencontre le Sauvage, qui lui ressemble d'ailleurs étrangement.

Un roman à plusieurs niveaux de lectures où la violence des sentiments ressentis après une grande perte est exprimée très justement grâce aux talents de deux auteurs britanniques exceptionnels.

David Almond au texte, est un très grand écrivain pour jeunes lecteurs, on lui doit le splendide Cracheur de feu chez Scripto. C’est un maître dans l’art de raconter des histoires au réalisme sauvage où le fantastique vient faire des incursions angoissantes, comme Glaise dans la même collection.

Quand à Dave McKean, on le connaît surtout pour ses collaborations avec Neil Gaiman qui ont donné des œuvres graphiquement aussi fortes que des cauchemars d’enfants, comme le troublant Loups dans les murs. Ici il met en images les dessins de Blue par des illustrations à l’encre, plus épurées que son style habituel, avec une économie de couleurs. Du vert pour les scènes de jour, du bleu pour celles de nuit et des touches de rouge quand la violence déborde. Pour David Almond il n’y avait que cet artiste hors normes qui pouvait donner vie au Sauvage.

Au final nous sommes face à une œuvre avec des passages qui peuvent paraître difficiles de par la violence exprimée. Mais il ne faut pas oublier que tout un chacun a besoin de voir sa part de sauvagerie exprimée au travers d’œuvres maîtrisées, qui aident en mettant des mots et des images sur les peurs et la violence qui nous habitent à tous. On peut parler d’une sorte de Max et les maximonstres pour adolescents. Au final il s’agit surtout d’une œuvre majeure qui va certainement rester longtemps dans les mémoires.

Magnifique et troublant!

Ici les couvertures anglaises et américaines, j'ai un faible pour l'américaine: un vrai cri primal!



Un endroit où se cacher - OATES JOYCE CAROL - Albin michel


Un endroit où se cacher( After the Wreck, I Picked Myself Up, Spread My Wings, and Flew Away )
Joyce Carol OatesTraducteur : Dorothée ZumsteinAlbin Michel - Wiz - 02/10
300 pages - à partir de 12 ans - 13,50 euros


Jenna était une adolescente comme les autres, une mère aimante, un père partit refaire sa vie en Californie, tout allait bien. Jusqu’à l’accident. Celui qu’elle va avoir avec sa mère alors qu’elles traversaient un pont routier. Après sa mère est morte et Jenna se réveille dans le bleu. Le bleu des analgésiques où rien ne fait mal, où rien ne vous touche. Mais Jenna va devoir se réveiller, sortir du bleu. Seulement dans la réalité Jenna n’arrive pas à faire le deuil de sa mère, surtout que les flashs qu’elle a de l’accident lui font croire que tout cela est de sa faute.
En plus sa nouvelle vie n'est pas simple, recueillie par la sœur de sa mère elle a du mal à trouver sa place auprès de ses deux jeunes cousins. Jenna a plutôt l'impression de leur pourrir la vie.
Et dans son nouveau lycée elle va tout faire pour repousser la pitié de ses nouveaux camarades informés de sa nouvelle situation.
La seule à l'approcher de plus près: Trina, va le faire par intérêt. Trina est une véritable héroïne Oatesienne : complexe, instable, dangereuse pour elle-même et son entourage. Mais dans l'entourage de bad boys de Trina il y a l'énigmatique Crow.
Avec son allure de biker, il paraît être l'homme à fuir mais son regard profond va réussir à percer les secrets de Jenna.

La grande Joyce Carol Oates revient dans la littérature pour adolescents avec toujours la même acuité pour retranscrire leurs sentiments si compliqués et leurs actes qui paraissent si extrêmes. Elle est une des rares à savoir créer des personnages si parfaitement qu’on ne les oublie plus jamais.
Elle tend à rester mon auteur favori (son Bellefleur de 800 pages chez Stock fait pencher ma table de nuit, 5 ans que je le cherche dans toutes les bouquineries, j'ai hâte de le commencer), et pour le prouver elle s'est même déguisée en ma poétesse préférée Emily Dickinson, je ne lutte plus!




: La couverture américaine, pour ne pas léser Marie.