17 sept. 2010

Un bûcher sous la neige - FLETCHER SUSAN - Plon


Un bûcher sous la neige ( Corrag )
Susan Fletcher
Traduction : Suzanne Mayoux
Plon - collection Feux croisés - 08/10 - 400 pages - 22 euros

Une liberté qui enflamme.

L'Angleterre du XVIIe siècle est en plein cœur des luttes de pouvoirs en cours depuis le décès de la grande reine Elisabeth.
Jacques II, fils de Marie Stuart, a été renversé du trône par Guillaume III d'Orange. Réfugié en France, il attend son heure en comptant sur ses alliés jacobites qui espionnent sur l'île les malversations menées contre son camp par son adversaire.
Une des plus sordide est le massacre de Glencoe, où un clan entier de Highlanders furent assassinés par des soldats qu'ils avaient accueilli selon les règles de l'hospitalité écossaise.
A ces destinées funestes vient se mêler celui d'une jeune anglaise : Corrag.
Elle va devenir un témoin gênant pour les investigateurs du massacre, mais son profil de femme libre et indépendante fait d'elle une candidate idéale à une condamnation rapide au bûcher pour sorcellerie.
Mais Corrag sait, grâce à une prédiction qu'on lui a faite, qu'un homme est en route pour l'entendre et l'écouter dans la solitude crasse de son cachot. Et cet homme se nomme Charles Leslie, tout du moins est-ce ainsi que le nomme ses alliés jacobites. Il est en mission secrète pour établir la vérité sur le massacre.
Pour ce faire il doit rencontrer Corrag. Mais pour ce fervent catholique il est difficile au début de leurs entretiens d'écouter les tergiversations de cette femme impie. Mais Corrag, sentant sa fin proche, tient à laisser une trace et pour ce faire elle va raconter son histoire à elle, et depuis le début.

Une rafale de vent revigorant va s'engouffrer dans vos jupes et dans vos chausses!
Un grand roman magnifique où la nature est sublimée par le récit à la fois simple et très profond de cette jeune femme sans Dieu, ni maître qui a la liberté comme seul mot d'ordre.
La construction du roman se fait sur la succession des monologues de Corrag, qui ont tous un intitulé de plante accompagné des vertus médicales de celle-ci, avec les lettres que Charles Leslie envoie à sa femme restée en Irlande. Il lui raconte son difficile parcours d'espion jacobite et l'évolution de son regard sur cette femme si atypique pour lui et ses contemporains.
On en ressort avec un supplément d'âme laissé par cette femme libre et si belle dans son combat pour la liberté d'être elle-même.


Un extrait et la présentation de l'éditeur sur le choixdeslibraires.com
Côté Blogs : Yspaddaden aime; Marie est fan; Cathulu me fait dire qu'il ne faut pas avoir peur du côté historique; Liliba a adoré

4 sept. 2010

La huitième vibration - LUCARELLI CARLO - Métailié


La huitième vibration ( L'ottava vibrazione )
Carlo Lucarelli
Traducteur : Serge Quadruppani
Anne-Marie Métailié - collection : Bibliothèque italienne - 08/10 - 413 pages - 22 euros

Dans la chaleur de la défaite

La huitième vibration est un titre énigmatique qui ne se révèle au lecteur qu’à la toute fin du livre. Il est le fidèle reflet de ce roman aux multiples facettes à la fois roman historique, roman policier, récit d’aventure et même roman d’amour. Tout un mélange à juste dose qui nous fait vivre au cœur d’un corps expéditionnaire de l’armée italienne engluée dans ses rêves de colonisation et dans la chaleur étouffante de l’Erythrée de 1896.
Un récit qui vous happe et qui se termine sur le point d’orgue de la bataille d’Adoua qui fut la première remportée par une armée de colonisés sur une armée de colonisateurs.
Une immersion totale au côté de multiples protagonistes qui nous font vivre chacun leurs histoires, leurs accents, leurs langues et leurs cultures. Tels que Vittorio Cappa dit « le magicien »qui sait mieux que quiconque se débrouiller pour oublier de réceptionner des fournitures de l’armée italienne arrivant en Afrique. Mais qui surtout fera l’erreur de tomber amoureux de la mauvaise femme. Ou encore Pasolini l’anarchiste qui se retrouve dans l’armée pour ne pas finir sur l’échafaud, et qui une fois au front devra faire le choix de tirer ou non pour sauver sa vie, et donc défendre les couleurs de ce drapeau qu’il n’a jamais respecté. On y croise aussi Aïcha, la chienne noire mi-sorcière mi-putain, dégageant un érotisme si puissant que peu de soldats savent lui résister. Et enfin Sciortino, le soldat fantôme, originairement berger dans les Abruzzes, un simple d’esprit ne comprenant pas les tenants et les aboutissants de toute cette agitation dans le désert mais qui sera un des seuls à sortir indemne de ce cauchemar.

Un livre puissant à la construction très intelligente menée de main de maître par une star italienne du roman policier, qui est également scénariste de bandes dessinées ou encore journaliste. Carlo Lucarelli est même dans son pays l’animateur à succès d’une émission de télévision qui parle de crimes non résolus. C'est une véritable star de l'autre côté des Alpes. Il nous livre là un grand roman que vous n’oublierez pas de sitôt, servi par la traduction impeccable du directeur de la collection : Serge Quadruppani.

article paru dans PAGE n°139, septembre 2010

Crépuscule irlandais - O BRIEN EDNA - Sabine Wespieser


Crépuscule irlandais ( The light of evening)
Edna O'Brien
Traducteur : Pierre-Emmanuel Dauzat
Sabine Wespieser - 09/10 - 445 pages - 24 euros


« La lamentation des mères »

Edna O’Brien est un auteur irlandais réputé pour ses romans qui parlent de son pays natal avec un ton résolument moderne et anticonformiste. Dans ce livre elle nous dévoile le secret si bien gardée des mères de son pays : le poids de la tradition en lutte contre leurs passés aux couleurs plus vives.

Tout commence par un prologue magnifique qui évoque « la soirée esseulée des mères qui disent que ce n’est pas notre faute si nous pleurons, c’est la faute de la nature, qui nous a faites d’abord pleines, puis vides. Tel est le courroux des mères(…) qui n’en finit pas jusqu’au dernier jour(…) au crépuscule et à la poussière des mortels. »
Il s’agit donc bien d’un livre sur cet amour si complexe, si fort et à la fois si étouffant : l’amour maternel.

Il est encore plus complexe dans un pays comme l’Irlande où le destin des femmes est resté si longtemps sous le joug combiné de la tradition et de la morale. Ici tout part du domaine de Rusheen où Dilly, âgée de 77 ans, emballe ses affaires pour partir en maison de soin afin de se faire soigner d’une maladie qui sera sans doute la dernière. En mettant de côté ses objets auxquels elle tient elle se remémore sa vie passée, sa fille Eleanora si vite partie pour écrire des livres qui font d’elle une paria dans son pays natal, et Cornélius son mari si dépendant d’elle.
Une fois internée à l’hôpital ses souvenirs tourneront surtout autour de cet épisode qu’elle chérit plus que tout : son séjour de plusieurs mois à New-York lorsqu’elle était encore une jeune femme. Et surtout elle pense à Gabriel, ce premier amour qui l’a fait souffrir si cruellement après des mois de frustrations qui avaient fini par briser en mille morceaux son rêve américain. L’amertume de trop qui la fera rentrer au pays pour lui faire épouser le premier garçon qui l’invitera à danser, et fera d’elle un autre des maillons de la chaîne de traditions qui entoure les femmes irlandaises.
Mais comme elle le dit « On a été élevées au Moyen-âge », et son éducation reprendra le dessus pour lui servir de modèle quand viendra son tour d’être mère. Eleanora passera sa vie d’adulte à fuir ce carcan transmis par sa mère. Et même sachant Dilly hospitalisée elle ne lui fera qu’une courte visite, pressée qu’elle est de retrouver un amant, tellement dans l’urgence qu’elle fera tomber de son sac son journal intime. Il constituera une sorte de lien profond et secret entre la mère et la fille depuis si longtemps éloignées.

Un roman troublant et magnifique écrit par cet auteur si important pour la condition de la femme en Irlande, faisant partie du mouvement intellectuel du révisionnisme culturel qui a contribué à ce que les irlandais portent un regard critique sur le nationalisme dans leur pays. Ses livres furent longtemps interdits en Irlande, mais elle est depuis toujours soutenue par son lectorat américain qui a toujours aimé son style si puissamment évocateur qui lui vaut d’être surnommée la Colette anglophone.

article paru dans PAGE n°139, septembre 2010

Le délégué - DESBRUGERES DIDIER - Gaïa


Le délégué
Didier Desbrugères
Gaïa- 08/10 - 293 pages - 20 euros


« Renonce au renoncement »

Confronter ses idéaux au principe de réalité est la plus dure des expériences humaines, et plus les espérances sont élevées, plus dure est la chute. S’en relever devient presque impossible, ou alors au prix de grands sacrifices.

Josef Strauber est un homme comblé, il vient tout juste d’être nommé Délégué dans sa chère République. Cette dernière ne sera d’ailleurs jamais nommée tout le long du récit, elle est une et toutes les autres.
Son poste sera effectif dans le comté de Lurna, qui se situe seulement à quelques jours de train de la capitale.
Homme plein de bonne volonté et sûr du bien-fondé de sa tâche, il est impatient de devenir le représentant de cette Administration qu’il chérit tant. Ses pensées sont pures et sa volonté inébranlable, Strauber est certain qu’une fois sur place, tout se passera au mieux et qu’il deviendra un homme respecté, écouté de tous.
Hélas, les rêves de ce pauvre bougre seront vite réduits en poussière une fois confrontés à la réalité : les ors de la République sont ternes, et ce depuis des décennies. Strauber n’est pas attendu, il est redouté.
Écrasé par tant de déceptions et par un voyage interminable, il devra composer avec un destin qui ne lui laissera guère l’occasion de se construire de nouveaux rêves assez solides pour supporter la douleur de ses idéaux perdus.

Didier Desbrugères offre là un premier roman servi par une écriture remarquablement maîtrisée, on se sent tout de suite bien dans ce style faussement classique. Il nous donne l’impression de lire une pépite du XIXe siècle découverte dans un vide-grenier providentiel.

article paru dans PAGE n°139, septembre 2010

Intermittences - LEVI CELIA - Tristram


Intermittences
Célia Lévi
Tristram- 08/10 - 123 pages - 14 euros


La vie d’artiste

Vous pensiez qu’il était facile de vivre d’intermittences ? Que ceux qui en vivent sont surtout des fainéants incapables de trouver un « vrai » travail. Détrompez-vous.
Pour ce faire suivez le parcours chaotique de ce jeune garçon en lisant son journal intime qui nous fait partager une année entière de sa vie. Une année particulière où il va tenter d’obtenir le statut d’intermittent en cumulant les cachets de figuration aidé en cela par quelques contacts dans la profession.
Les raisons profondes de ce désir est qu’il est peintre. Il se sent habité par la création, mais son niveau social l’interdit de ne se consacrer qu’à la peinture. L’intermittence est le seul moyen qui lui semble être compatible avec son ambition artistique. Malheureusement rien ne se passera comme prévu, les cachets ne se trouvent pas si facilement et l’administration va tout faire pour lui mettre des bâtons dans les roues. Chez lui il sera peu aidé par sa petite amie Pauline, jeune femme délurée vivant hors de la réalité. Et c'est elle qui lui ramènera Belzébuth: le chat noir trouvé dans la rue par qui arrivera le déclin.

Une descente aux enfers qui se fait par petites touches, et plus le fond du trou approche plus l’on est mal à l’aise face aux pensées si crues de ce garçon sensible, broyé par la société qui ne sait que faire des artistes tel que lui. Un roman très maîtrisé hanté par les flammes et par le tableau de La folle de Soutine.

article paru dans le PAGE n°139 de septembre 2010

18 juin 2010

De retour!

De retour pour de vrai!

La cause de cette si longue absence? Et bien une toute petite invité qui me donne des coups de pieds dans l'utérus en ce moment!
J'attends une petite fille qui va pointer le bout de son nez en Octobre prochain!!!

J'ai du coup eu beaucoup de choses en tête, et peu de temps à consacrer à ce blog!

Je vais donc redémarrer doucement, et essayer de garder le rythme!!
A très vite.
Claire_C

9 avr. 2010

Le chaos est en marche T2 - NESS PATRICK - Gallimard jeunesse




Le chaos est en marche T2, Le cercle et la flèche ( The ask and the answer )

Patrick Ness
Traducteur : Bruno Krebs
Gallimard Jeunesse - 04/10
448 pages - à partir de 13 ans - 15 euros

Dans ce second opus Todd et Viola vont être séparés dès le début de l'aventure.
Cela va les obliger à faire leurs propres choix chacun de leurs côtés.
Écouteront-ils les arguments des uns et des autres qui feraient d'eux des ennemis?
La pression psychologique est très forte sur les adolescents perdus dans cette nouvelle Prentissville. Ils vont être sans cesse confrontés à des révélations qui vont bouleverser leurs certitudes, manipulés par ceux qui les souhaitent dans leurs camps respectifs.
Dans ce climat difficile réussiront-ils à faire le bon choix? Et sera-t-il le bon aux yeux de l'autre?


La suite tant attendue est à la hauteur des espérances!
Ecriture, montée du suspens, construction des dialogues tout y est!
Nous sommes baladés autant que les héros entre deux visions différentes des évènements, l'une féminine: la Flèche et l'autre masculine: Le Cercle.
Les terroristes ou les résistants d'un côté, les fascistes ou le pouvoir légitime de l'autre.
Rien n'est simple, même les ennemis deviennent des amis...
Avec une fin aussi diaboliquement en suspens que celle du premier, on n'a envie que d'une seule chose: le troisième et dernier tome!

17 févr. 2010

Le Worldshaker - HARLAND RICHARD - Hélium


Le Worldsahker( Worldshaker)
Richard Harland
Traduction de l'anglais (Australie) par Valérie Le Plouhinec
Hélium - 03/10
352 pages - à partir de 11 ans - 14,90 euros



Colbert Porpentine a un avenir tout tracé. Dans deux ans il sera majeur et deviendra le successeur officiel de son grand-père, Sir Mormus le commandant suprême du Worldshaker. Ce navire-monde est le lieu de vie des citoyens britanniques depuis une éternité aux yeux du jeune homme qui y a toujours vécu.
A sa tête on trouve la reine Victoria III et son prince consort ainsi qu'un gouvernement composé par les membres des familles les plus prestigieuses du bateau.
Et tout en bas de l'échelle sociale, au niveau des Ponts inférieurs, se trouvent les Immondes qui sont selon les rumeurs seraient des êtres à moitié humains incapables de parler, mais qui s'occupe de faire marcher la mécanique de ce monstre des mers.
Tout semble allez pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Jusqu'à l'arrivée de Riff. D'abord une paire d'yeux incandescents sous le lit de Col un soir d'alerte rouge sur le bateau : "les laisse pas m'attraper."
Car c'est bien elle l'origine de l'alerte: une Immonde qui a réussi à s'infiltrer dans les Ponts supérieurs.
Colbert va bien essayé de faire son devoir de Porpentine, mais cette jeune fille est trop intrigante, c'est une Immonde et pourtant elle parle. Elle exprime le désir de savoir lire et l'égalité entre les Ponts, l'arrêt de l'exploitation abjecte de ses semblables.
Col va alors avoir une vision sur le monde bien différente par rapport à ceux des autres habitants des Ponts supérieurs. Cela va éveiller en lui des désirs de changement et il va tout faire pour essayer d'aider Riff à accomplir ses plans de revanche.


Quel souffle! Le premier roman des jeunes éditions hélium, est un véritable torrent d'aventures qui vous entraîne dans ses tumultes pour ne plus vous lâcher une fois que vous y êtes entré.
Il s'agit également du premier roman pour ados d'un prolifique auteur Australien encore jamais traduit en France.
Voilà qui est chose faite et de main de maître par V.Le Plouhinec qui est notamment la traductrice de Melissa de La Cruz (série des Vampires de Manhattan).
Petite cerise sur le gâteau il sortira en France avant sa parution aux États-Unis prévue pour le mois de mai. C'est l'occasion de montrer que nous pouvons reconnaître un talent avant qu'il ne soit validé par les cousins américains!
En plus hélium fait preuve de beaucoup plus de goût pour ce qui est de la conception graphique réalisée par les Associés réunis. Qui ont su mettre en valeur le dessin de Séverin Millet.
Déjà tout ça donne envie, et je n'ai même pas parlé de l'histoire d'amour compliquée entre les deux jeunes gens, de la mise en place d'un univers impeccable, des personnages secondaires qui sont révèleront retorses ou splendides.
C'est une vraie réussite, une belle entrée en matière dans le secteur ados pour hélium qui nous allèche en fin d'ouvrage avec le résumé de la suite "Le Liberator". Il n'y a plus qu'à attendre..........

Le site de l'auteur, qui est un expert en trucs d'écriture.
L'affreuse couverture américaine, où l'on dirait que Col et Riff passent un casting pour le prochain X-Men...

11 févr. 2010

Les variations Bradshaw - CUSK RACHEL - L'Olivier


Les variations Bradshaw ( The Bradshaw variations )
Rachel Cusk
Traductrice: Céline Leroy
L'Olivier - 02/10
280 pages - 22 euros

Un roman vibrant qui rend hommage aux variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach, jouant pour nous la mélodie de la grande littérature anglo-saxonne contemporaine.

Les variations Goldberg de Bach sont trente-deux mouvements composant une œuvre connue pour deux choses : son contenu riche en formes et en rythmes, ainsi que par le fait qu’elle finisse comme elle a commencé. Rachel Cusk a appliqué ces principes à la famille Bradshaw, elle scinde une année majeure dans leur vie en trente-deux chapitres, consacrés à ses différents membres, et la fait se terminer tout comme elle a commencé. Celui va vivre ce cycle se nomme Thomas Bradshaw, quadragénaire britannique qui a pris avec sa femme une décision qui va donner à leurs vies un tournant qu’ils n’auraient jamais pu imaginer. Il s’agit pourtant d’une décision simple : échanger les rôles. L’homme, Thomas, reste à la maison pour s’occuper de leur fille, tandis que sa femme Tonie accepte une promotion qui la tiendra plus souvent éloignée de chez elle. Thomas va en profiter pour faire un point sur sa vie, apprendre le piano, tandis que Tonie va se dégager du train-train de femme au foyer. Ceux qui composent le reste des chapitres sont tous ceux qui gravitent autour de cette cellule centrale : les autres membres de la famille Bradshaw, la mère de Tonie et leur locataire Olga. Jeune immigrée polonaise qui dira d’eux « les gens avec qui je vis ont l’air parfaitement normaux, mais c’est faux(…) Ce n’est pas une famille normale. Peut-être que ce n’est pas si facile d’être normal. » Cette phrase résume le roman, ce combat pour être normal mené par les membres de cette famille. Se développe alors tout le talent de Rachel Cusk qui avec sa capacité à entrer dans le quotidien de tout un chacun en faisant acte de littérature. On pense souvent à Virginia Woolf, l’auteur y fait aussi écho en nous faisant croiser une poupée nommée Clarissa. Son talent à décrire le quotidien avec un cynisme mordant, que l’on avait déjà aperçu dans: Arlington Park (grand succès de la rentrée littéraire française 2007), nous fait vivre au cœur de cette famille si proche de nous de par ses préoccupations intrinsèquement humaines.


Article paru dans le Page Janvier/Février 2010
Article publié dans www.lechoixdeslibraires.com, lu en partie par François Busnel dans le journal sonore des livres.

7 févr. 2010

ATTENTION, ATTENTION!!


Mars-Avril 2010, gros calendrier de sortie de romans chez Gallimard Jeunesse
Vous serez prévenus:
  • La suite de H2G2 par Eoin Colfer,
  • Le nouveau David Almond,
  • Le début d'une nouvelle série par Thimothée de Fombelle,
  • Le tome 2 du Chaos est en marche de Patrick Ness!!!!!


C'est bien simple, je suis excitée comme une puce sous acide!!!

photo

4 févr. 2010

La douane volante - PLACE FRANCOIS - Gallimard jeunesse


La douane volante
François Place
Gallimard jeunesse - 01/10
333 pages - à partir de 11 ans - 13,50 euros

Avez-vous peur de l'Ankou? Ce personnage mythique de Bretagne tout de noir vêtu, qui vient prendre les âmes en partance sur son chariot noir, tiré par un cheval noir.
Vous devriez. En tout cas c'est ce que vous conseillerez Gwen le Tousseux, ce jeune orphelin qui a grandit sur les terres d'Armorique. En cet hiver 1914, où ses poumons toujours malades s'en donnent à cœur joie, il va être soustrait de sa vie de misère par un voyage dans la charrette de l'Ankou.
Il va ainsi quitter une maison qui lui avait été léguée par le rebouteux du village. Le vieux Braz qui l'avait pris en apprentissage peu de temps avant de partir dormir sous la terre.
La destination de l'Ankou est une plage de la contrée des Douze Provinces, un lieu hors du temps où l'on ne connaît pas la Bretagne, où il n'y a aucune rumeur de guerre, et où Gwen va devenir un Égaré.
Sur cette plage sont en faction des membres de la Douane Volante, des hommes à la portée politique puissante en charge de récolter les impôts, et les Égarés.
Un de ces Douaniers surtout va jeter son dévolu sur Gwen et ses talents de guérisseur : Jorn, un grand blond à la mine engageante. Mais on aurait tort de se fier à sa première impression. Le douanier va devenir un mentor, et lui expliquer les codes de ce monde inconnu. Seulement voilà les codes de Jorn sont aussi les siens propres et Gwen l'apprendra dans la douleur.

Magnifique roman d'aventures, de grand large, d'épopée que voilà.
On connaissait les talents de conteur de François Place, ce qui rajoutait à la magie de ses albums illustrés : Siam, le roi des trois Orients, les derniers géants, etc...
Or là justement le dessin aux traits si caractéristiques, ne sont plus un appui, on les retrouve juste sur la couverture. Où Gwen et Jorn sont représentés avec Daer, un oiseau particulier drogué au genièvre.
Ce sont les personnages principaux que nous livrent l'auteur, ils marchent et sont bousculés par le vent. Celui du destin?
Il est difficile de tout raconté tant l'histoire est riche, l'univers de la médecine et celui de la politique viennent rajouté à la complexité l'ensemble.
Ce roman est vraiment un moment magique, chaque scène vous surprend par son côté cru, ses rebondissements inattendus, la finesse des personnages représentés, tout vous bouleverse.
Gwen, surtout, avec sa gueule d'anti-héros aux choix de vie déroutants, mais pourtant tellement humains.
Les animaux aussi sont importants: l'insupportable Daer, le terrifiant Kraken qui rôde dans le roulis des vagues, mais surtout la tortue celle qui dans les légendes supporte le poids du monde et ouvre ici les portes du temps.


le site de l'auteur n'étant pas existant voici un lien vers Ricochet, pour trouver toutes les informations nécessaires.
Côté blogs:
Clarabel insiste sur le côté essentiel du livre, mais est restée sur le bord du chemin.
Emmyne est plus enthousiaste.
Van Goyen le peintre néerlandais aux paysages balayés par le vent, où l'on trouve en plissant les yeux de minuscules personnages auxquels F.Place a voulu donné vie dans ce roman.


10 janv. 2010

Le sauvage - ALMOND DAVID, MCKEAN DAVE - Gallimard jeunesse





Le sauvage ( The Savage)
Auteur : David Almond
Illustrateur : Dave Mckean
Traducteur : Cécile Dutheil de la Rochère
Gallimard jeunesse - Album junior - 01/10
80 pages - à partir de 12 ans - 13 euros

Les éditions Gallimard jeunesse ont l’art de mettre en avant des auteurs d’exception comme David Almond. Pour montrer toutes les facettes de cet auteur au style unique, que l’on a peu l’habitude de trouver en littérature jeunesse, elles publient un objet littéraire non identifié.

En voilà un livre atypique. A la fois album et roman, mais sans toute fois être un total roman graphique. En effet alternent passages totalement écrits, et passages illustrés, le tout dans une fluidité maîtrisée. Il s’agit du récit d’un jeune garçon prénommé Blue qui vient de perdre son papa. La psychologue scolaire va lui conseiller d’écrire ce qu’il ressent, « qu’il explore son chagrin ». Mais au lieu de parler de lui, ce qui lui fait encore trop mal, Blue va raconter et dessiner l’histoire du Sauvage. « C’était un enfant sauvage qui vivait dans les bois de Burgess. », lit-on en écriture manuscrite. Et ce sont les passages de l’histoire du Sauvage qui sont illustrés, la grammaire et l’orthographe sont approximatives mais le récit est puissant. Il s’agit d’un garçon du même âge que son jeune auteur qui vit dans le bois situé à la lisière de la ville. Sa vie consiste à se nourrir de petits animaux, une sorte de jeune ogre qui mange quiconque pose un regard sur lui, « il était sauvage. Il était vraiment cruel. » Pour ce qui est des passages écrits c’est un Blue plus grand qui nous parle de ce moment difficile dans sa vie, et comment l’histoire de Sauvage l’a aidé à faire son deuil en allant jusqu’à s’incarner véritablement dans la vie du jeune garçon. En effet la réalité dépasse la fiction un jour que Blue voit son ennemi juré, Hopper, arriver à l'école avec le visage amoché le lendemain d'une nuit où Blue avait déchaîné le Sauvage contre lui . Il y a même une scène magnifique où Blue rencontre le Sauvage, qui lui ressemble d'ailleurs étrangement.

Un roman à plusieurs niveaux de lectures où la violence des sentiments ressentis après une grande perte est exprimée très justement grâce aux talents de deux auteurs britanniques exceptionnels.

David Almond au texte, est un très grand écrivain pour jeunes lecteurs, on lui doit le splendide Cracheur de feu chez Scripto. C’est un maître dans l’art de raconter des histoires au réalisme sauvage où le fantastique vient faire des incursions angoissantes, comme Glaise dans la même collection.

Quand à Dave McKean, on le connaît surtout pour ses collaborations avec Neil Gaiman qui ont donné des œuvres graphiquement aussi fortes que des cauchemars d’enfants, comme le troublant Loups dans les murs. Ici il met en images les dessins de Blue par des illustrations à l’encre, plus épurées que son style habituel, avec une économie de couleurs. Du vert pour les scènes de jour, du bleu pour celles de nuit et des touches de rouge quand la violence déborde. Pour David Almond il n’y avait que cet artiste hors normes qui pouvait donner vie au Sauvage.

Au final nous sommes face à une œuvre avec des passages qui peuvent paraître difficiles de par la violence exprimée. Mais il ne faut pas oublier que tout un chacun a besoin de voir sa part de sauvagerie exprimée au travers d’œuvres maîtrisées, qui aident en mettant des mots et des images sur les peurs et la violence qui nous habitent à tous. On peut parler d’une sorte de Max et les maximonstres pour adolescents. Au final il s’agit surtout d’une œuvre majeure qui va certainement rester longtemps dans les mémoires.

Magnifique et troublant!

Ici les couvertures anglaises et américaines, j'ai un faible pour l'américaine: un vrai cri primal!



Un endroit où se cacher - OATES JOYCE CAROL - Albin michel


Un endroit où se cacher( After the Wreck, I Picked Myself Up, Spread My Wings, and Flew Away )
Joyce Carol OatesTraducteur : Dorothée ZumsteinAlbin Michel - Wiz - 02/10
300 pages - à partir de 12 ans - 13,50 euros


Jenna était une adolescente comme les autres, une mère aimante, un père partit refaire sa vie en Californie, tout allait bien. Jusqu’à l’accident. Celui qu’elle va avoir avec sa mère alors qu’elles traversaient un pont routier. Après sa mère est morte et Jenna se réveille dans le bleu. Le bleu des analgésiques où rien ne fait mal, où rien ne vous touche. Mais Jenna va devoir se réveiller, sortir du bleu. Seulement dans la réalité Jenna n’arrive pas à faire le deuil de sa mère, surtout que les flashs qu’elle a de l’accident lui font croire que tout cela est de sa faute.
En plus sa nouvelle vie n'est pas simple, recueillie par la sœur de sa mère elle a du mal à trouver sa place auprès de ses deux jeunes cousins. Jenna a plutôt l'impression de leur pourrir la vie.
Et dans son nouveau lycée elle va tout faire pour repousser la pitié de ses nouveaux camarades informés de sa nouvelle situation.
La seule à l'approcher de plus près: Trina, va le faire par intérêt. Trina est une véritable héroïne Oatesienne : complexe, instable, dangereuse pour elle-même et son entourage. Mais dans l'entourage de bad boys de Trina il y a l'énigmatique Crow.
Avec son allure de biker, il paraît être l'homme à fuir mais son regard profond va réussir à percer les secrets de Jenna.

La grande Joyce Carol Oates revient dans la littérature pour adolescents avec toujours la même acuité pour retranscrire leurs sentiments si compliqués et leurs actes qui paraissent si extrêmes. Elle est une des rares à savoir créer des personnages si parfaitement qu’on ne les oublie plus jamais.
Elle tend à rester mon auteur favori (son Bellefleur de 800 pages chez Stock fait pencher ma table de nuit, 5 ans que je le cherche dans toutes les bouquineries, j'ai hâte de le commencer), et pour le prouver elle s'est même déguisée en ma poétesse préférée Emily Dickinson, je ne lutte plus!




: La couverture américaine, pour ne pas léser Marie.